Page 5 - TESTARD_Claude
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District  d'Issoudun  tomba  sur  le  jeune  TESTARD,  qui  vint  ainsi  à  Paris  pour  la
                 première fois. Une seule chose le frappa, ce fut Louis XVI coiffé du bonnet rouge et
                 TALLEYRAND-PÉRIGORD disant la messe sur le Champs de Mars. – "Tiens, dit le
                 jeune fédéré à l'un de ses collègues, tout cela n'annonce rien de bon !" – Hélas !
                 C'était une prophétie, mais, en fait de malheurs, il n'était pas difficile alors d'être
                 prophète.

                 Il ignorait encore, à cette époque, sa vocation à l'état militaire ; et pourtant, la
                 révolution qui se donnait pour mission d'inoculer dans les veines du genre humain
                 la vaccine de la liberté, à la pointe du sabre, commençait à moissonner les jeunes
                 gens des provinces pour les attacher à ses drapeaux. Le père du jeune TESTARD,
                 désireux de conserver à la maison paternelle l'appui de son fils, qui était son seul
                 garçon, l'exonéra de la milice au prix de grands sacrifices.

                 En 1791, la fuite du roi à Varennes a radicalisé le nouveau régime. De nombreux
                 nobles exilés forment une véritable armée à la frontière, au niveau des Pays-Bas
                 autrichiens.  Cela pousse l'Assemblée à déclarer la guerre à l'Autriche en 1792.
                 C'est ainsi que Claude, qui avait consenti à son remplacement, s'engageait comme
                 volontaire  dans  le  deuxième  bataillon  de  l'Indre,  le  2  septembre  1792.  Il  est
                 rapidement promu Lieutenant dès le 16 novembre de la même année.

                 Grande fut la colère du père, qui jura de ne plus revoir son fils ; et il était homme à
                 tenir parole. Notre jeune volontaire fut, en effet, cinq ans sans revenir. Il revint
                 cependant,  forcé  d'interrompre  ses  exploits  par  la  nécessité  de  soigner  ses
                 blessures. Mais la blessure de son père saignait toujours, et le fils se vit contraint
                 de se tenir caché chez des personnes de sa famille. Cette situation ne pouvait aller
                 longtemps à la décision de son caractère. Son père chassait seul dans la campagne,
                 il l'aborde. Le père était comme le fils, franc, droit, loyal, mais d'une impatience et
                 d'une  promptitude  qui  n'excluent  pas  la  bonté  du  cœur,  mais  l'éclipsent  par
                 intervalle. Après quelques mots de malédiction, sa colère s'échauffant avec ses
                 paroles, il prend son fusil, en abaisse le canon sur son enfant, met le doigt sur la
                 détente. "Eh bien, dit le soldat, en ouvrant largement sa poitrine, voilà le cœur qui
                 a pu vous déplaire mais qui n'a pas cessé de vous aimer." La victoire fut complète
                 : le père laissa tomber son fusil et tomba lui-même dans les bras de son fils, en
                 versant des larmes qui semblaient à leur tour demander pardon.

                 Cette protestation d'amour filial n'était pas une formule dans la bouche du jeune
                 militaire : pour lui, la vertu était dans la vertu même et nullement dans les paroles.
                 Le feu du ciel, se mêlant aux désastres de la terre, était venu éprouver sa famille,
                 dépouiller son père de son honnête aisance et Claude TESTARD n'était encore que
                 capitaine. La solde n'était pas forte en ce temps-là, et cette maigre solde était
                 rarement bien payée ; mais ce qui fut toujours intégralement versé à époque fixe,
                 c'est la rente annuelle de douze cents francs qu'il fit à son père et à sa famille. Chef
                 de  Bataillon,  il  porta  la  rente  à  dix-huit  cents  francs,  voulant  que  sa  famille
                 bénéficiât de sa position et n'en acceptant pour lui que les charges.
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